24 septembre 2007

Cher Jean


Jean Hugo, Autoportrait [détail], Luxeuil, 1918 (crayon noir, page de carnet)


Jean Hugo, Panneaux de signalisation de chemin de fer (aquarelle, page de carnet, circa 1918)


Vacance, relâche, dilettantisme : trois mots qui pourraient caractériser le blog cacodylate (et qui le caractérisent nonobstant) si ce dernier avait abandonné ses premières amours, i.e. l’établissement d’une longue, longue liste de noms propres et de lieux communs à beaucoup. Histoires plurielles, histoires croisées, anecdotes, correspondances intimes depuis longtemps déjà reléguées dans les archives d’institutions diverses. Incertaines photographies, témoignages de second plan, mémoires défaillantes : tout ce qui constitue les petites histoires d’une autre, plus ambitieuse, qui se veut écrire avec un grand H. La science avec sa grande scie, l’histoire avec sa grande hache, comme on dit en plaisantant.

En parcourant diverses archives, je suis tombé sur des supports de rêveries. Et, plus précisément ce soir, parcourant Le regard de la mémoire de Jean Hugo (Actes Sud / Babel, 1989), j’ai repensé à ce beau catalogue d’exposition : Jean Hugo – Dessins des années de guerre (1915-1919), RMN, Actes Sud, 1994. Le feuilletant, j'en ai extrait ces deux images (respectivement pp. 107 et 126).

Dada fut authentiquement une belle vacance.

« La révolution, c’est les vacances de la vie », écrivait Malraux.

Nos temps incertains et très-angoissés feraient bien d’en prendre de la graine, de se révolutionner un peu et, surtout, de relâcher la pression, afin de libérer un peu de vacance.

La vacance, de et par Roland Barthes.

De la respiration – considérée par Thomas Bernhard.

* * *
Ecoutant les informations et les rapprochant des derniers posts de J.L. Bitton, ce soir, j'apprends le suicide d'André Gorz :
Le philosophe français André Gorz, âgé de 84 ans, cofondateur de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur, s'est suicidé avec sa femme à leur domicile de Vosnon, à l'est de Paris, a-t-on appris lundi auprès de ses proches.

Agence France-Presse, Troyes, France.

«Tu viens juste d'avoir quatre-vingt-deux ans», lui disait-il. «Tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte de nouveau en moi un vide débordant que ne comble que ton corps serré contre le mien».

et :

«Tu vas avoir quatre-vingt deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t'aime plus que jamais. Je porte de nouveau au creux de ma poitrine un vide dévorant que seule comble la chaleur de ton corps contre le mien.»

André Gorz, Lettre à D. Histoire d'un amour, Galilée, Paris, 2006.

Que n’ai-je acquis et lu ce volume feuilleté lors de sa parution ?

Depuis longtemps, je n’aime plus le mois de septembre, ce mois assassin, car je sais bien que les suicides sont souvent liés à des histoires d’amour.
Demain, bonbons et dadaïsme pour tout le monde.





Sobbin' Blues - King Oliver's Jazz Band, King Oliver and Louis Armstrong (Chicago, 22/06/1923)